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A la rencontre de Nadine Fresquet

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"Une femme avisée ne souhaite être l’ennemie de personne, mais une femme avisée refuse d’être la victime de quiconque" Maya Angelou

En poste à l'université de Tours depuis 2002, Nadine Fresquet est maîtresse de conférences en neurosciences, directrice adjointe de la Maison pour la science et chargée de mission pour le SAPS (Sciences avec et pour la Société). Elle a accepté de se prêter au jeu du portrait et d'aborder les thématiques de l'égalité. Bonne lecture!

Pouvez-vous vous présenter ? Géographiquement, je viens du Sud-ouest, de la région de Toulouse où j’ai fait l’ensemble de mes études. J’ai fait des études de psychologie jusqu’en master 1 puis un master 2 et une thèse en neurosciences. Je suis arrivée à l’université de Tours en 2002 comme maîtresse de conférences en neurosciences.

Pourquoi la psychologie ? je crois que je peux relier cela à mon enfance car j’étais déjà très intéressée par les choses humaines. J’étais assez silencieuse et observatrice et déjà l’esprit humain et les comportements humains me fascinaient. Ça n’a pas vraiment été une question au moment du lycée mais une évidence de me diriger vers l’étude des comportements humains. La discipline la plus adaptée était la psychologie et puis au fur et à mesure des années j’ai éprouvé le besoin de la relier à un aspect plus biologique. C’est ainsi que j’ai découvert les neurosciences : une véritable révélation ! Et c’est encore aujourd’hui un bonheur de chaque instant de travailler dans ce domaine.

Qu’avez-vous vu évoluer depuis votre entrée en tant qu’étudiante à Toulouse ? quand je suis arrivée à Tours en 2002, j’étais nommée à la faculté des sciences et techniques et également rattachée au département de psychologie. Cela m’a permis de constater le nombre important de femmes dans le département de psychologie, qui étaient maîtresses de conférences ou professeures. Ce n’était pas le cas pendant mes études à Toulouse où la majorité des enseignants étaient des hommes et la majorité des étudiants étaient des étudiantes. Je constate aujourd’hui que le crusus de psychologie attire de plus en plus d’hommes et je m’en réjouis car nous avons un plus grand besoin de mixité dans les sciences humaines et sociales.

Comment l’expliquez-vous ? il me semble que ça a été progressif. J’aime à croire que les choses sont moins clivées entre ce qui relève des préoccupations des femmes et ce qui relève des préoccupations des hommes, et que ces derniers s’intéressent de plus en plus à ces sujets. Je pense aussi que la valorisation progressive de ces métiers dans notre société , qui sont de plus en plus rémunérateurs, est une autre explication. C’est d’ailleurs souvent l’explication derrière une évolution des métiers observée au prisme de la mixité. Mais je veux aussi croire que la nouvelle génération d’hommes s’intéresse davantage aux Sciences humaines et sociales.

Vous y avez vu un intérêt à la mixité ? D’un point de vue pratique et en tant qu’enseignante, c’est intéressant de se retrouver devant une classe mixte car les échanges sont plus nombreux, les garçons n’hésitant pas à prendre la parole. Mais la question essentielle, c’est que les métiers de la psychologie seront de plus en plus mixtes et j’y vois un intérêt majeur pour les futures générations.

Statistiquement, les femmes sont moins nombreuses dans les filières les plus rémunératrices que sont les sciences, l’informatique et l’ingénierie : alors que nous venons de célébrer la Journée internationale des droits des femmes, comment les inciteriez vous à se diriger vers ces métiers ? les femmes pensent souvent que ce ne sont pas des domaines pour elles et ça suffit à les dissuader de s’y engager. On est en plein dans la « menace du stéréotype » ! Les femmes en devenant mères, voient leur carrière directement impactée et je salue l’allongement des congés paternité. Mais les femmes ont aussi à subir des stéréotypes, des préjugés sexistes et le patriarcat. Des changements de mentalité sont à encourager car les impacts vécus par les femmes peuvent être mineurs mais aussi majeurs lorsqu’on en arrive aux agressions sexuelles, dans le continuum de la violence. Mis bout à bout, ces évènements peuvent se révéler particulièrement délétères pour la carrière des femmes. Un moyen d’améliorer les parcours académiques des filles, c’est « l’effet modèle ». Les études de psychologie le montrent : prendre pour modèle une femme qui a réussi, par ses propres moyens, c’est-à dire une femme à qui les jeunes filles peuvent s’identifier et qui a réussi dans un secteur masculin est une méthode particulièrement efficace.

Qu’est ce que vous pensez des quotas ? je pense qu’ils sont nécessaires dans les domaines marqués par la non-mixité, aussi longtemps que les situations seront déséquilibrées. La contrainte est la seule façon de faire avancer les choses. Je sais que cette idée déplait, je connais les inconvénients des quotas mais il me semble que les bénéfices, à l’heure actuelle, restent plus nombreux que les inconvénients.

Auriez vous des conseils pour les jeunes femmes qui voudraient travailler dans les sciences ? ne vous laissez pas impressionner, ne croyez pas ce qui relève des stéréotypes de genre, toutes les études montrent que celles qui n’y adhèrent pas s’en sortent mieux et que les femmes sont légèrement meilleures dans les disciplines académiques que les hommes. Pour le reste, il faut faire beaucoup de prévention et d’éducation sur la lutte contre les violences sexuelles et sexistes car cela a un impact fort sur la santé psychologique. Et dernière chose, lutter pour le partage des tâches domestiques, des gardes d’enfants. C’est un ensemble de facteurs qui allègeront les difficultés qui impactent le parcours des femmes.

Quelle lecture vous conseilleriez à une femme ou à un homme pour aider à la transformation des mentalités ? je pense qu’on n’a jamais fait mieux que Simone de Beauvoir dans le « 2ème sexe ». Elle a tout compris et tout théorisé ! D’autres autrices et auteurs tels que l’anthropologue Françoise Héritier et le sociologue Pierre Bourdieu me semblent également incontournables.

Qu’est ce que vous voudriez changer à l’université de Tours pour plus d’égalité ? Je voudrais commencer par dire que l’université de Tours est plus qu’honorable dans ce domaine et qu’elle se trouve certainement dans le peloton de tête des universités œuvrant en faveur de l’égalité. Pour exemple, le bilan du repyramidage qui est bon pour les femmes. Je ne pense pas que ce soit le cas au niveau national, j’attends les chiffres. La composition de l’équipe présidentielle montre une réelle mixité, de sexes et de grades, dans la répartition des vices-présidences. Je me réjouis également des actions menées par la Mission égalité de notre univeristé.

Et après, que vous semble t il important de faire évoluer ? je pense que proposer une crèche sur les lieux de travail est une bonne chose même si j’en connais le coût financier. Les distributeurs de protections périodiques ont été une très bonne mesure dans notre université, qu’il faut poursuivre.

Quelle est votre définition de l’égalité ? considérer que l’espèce humaine est une et indivisible, que les différences ne doivent pas entrainer d’inégalités et que les différences s’enrichissent.

Une anecdote sur l’égalité ? quand j’étais en post-doc, l’une de mes collègues était hyper diplômée et l’un de mes collègues l’était moins... Lors des concours de recrutement pour des postes de maîtres de conférences, le directeur du laboratoire avait décrété, je le cite « qu’il allait plutôt favoriser le second, parce qu’il avait été son 1er post-doc ». Comment faire des inégalités de genre en les assumant ?! Cela avait entrainé une certaine émotion mais il n’y avait pas eu de protestations tapageuses. Je pense que ce serait moins possible aujourd’hui. Pour compléter, je ne pense pas que ce directeur de laboratoire se doutait de la discrimination qu’il était en train de faire mais cela a abouti à ce que ce post-doc ait un poste très rapidement, tandis que notre collègue hyper diplômée n’a obtenu qu’un poste sous-classé par rapport à ses compétences.

Vous diriez quoi à l’enfant que vous étiez ? je lui dirais que je vois la cohérence de son parcours, entre la petite fille qui s’intéressait aux êtres humains et la femme que je suis devenue. Je suis pleinement heureuse de mon travail et heureuse de m’être jetée pleinement dans la bataille de l’égalité.