137ème Congrès des sociétés historiques et scientifiques : Composition(s) urbaine(s)
Recherche,
Date(s)
du 23 avril 2012 au 28 avril 2012
Le congrès des sociétés historiques et scientifiques se réunit chaque année dans une ville universitaire francophone. Interdisciplinaire, il a pour mission de favoriser les échanges entre la recherche associative, les études doctorales et la recherche universitaire. Il rassemble plus de 700 participants et entend chaque année plus de 400 communications.
La thématique urbaine de ce congrès aborde sous un angle nouveau celle des congrès précédents qui ont choisi la ville comme objet. Cette thématique rencontre évidemment les préoccupations des géographes contemporains qui étudient, dans une large majorité d'entre eux, le fait urbain décliné dans les espaces, les territoires et les cultures. Elle est largement ouverte aux recherches de l'histoire urbaine, dans toutes ses périodes, elle doit aussi rencontrer des orientations de recherche en ethnologie.
Dans la notion de composition urbaine est mise en avant l'analyse de la forme ou des formes urbaines qui se déploient dans l'espace, espace réel et/ou représenté sur le plan ou la carte. Les formes contribuent à la cohérence, à la visibilité et à l'identification de l'objet urbain, leur absence ou leur effacement peuvent faire douter de l'urbanité. Certains logos promotionnels du marketing urbain s'appuient sur ces formes pour diffuser et valoriser l'image de la ville. De l'informe pré-urbain à l'utopie formellement idéale, l'éventail est large des cas, des modalités voire des styles. La généalogie des formes est riche : formes conçues avant d'être réalisées, formes partiellement ou complètement réalisées, formes à l'épreuve du temps voire de la nature, des dé-formations. Les séismes détruisent les formes :, les reconstructions, comme en Sicile orientale après 1693, sont de magnifiques exemples de résurrection par la forme ; aujourd'hui à Port-au-Prince, l'attente d'une forme n'est pas seulement une question financière ou technique, il s'agit aussi de celle d'un État, acteur, metteur en forme de sa capitale.
L'expression de « composition urbaine » est relativement récente (années 1960-1970). Elle dérive de celle de composition architecturale qui apparaît au xviiie siècle, elle-même issue de celle de composition en peinture. Les débuts pratiques de la composition urbaine doivent beaucoup à l'art des jardins « à la française ». Jusqu'à la fin du xixe siècle, la composition urbaine obéit à des règles géométriques strictes, dont la principale est la symétrie.
Composer la ville, c'est se donner des règles qui produisent l'espace urbain, construisent celui-ci avec des unités distinctes, disposées de façon concertée et qui participent à la configuration de l'ensemble. Un exemple est celui des « tracés régulateurs ». Mais l'élaboration et la mise en œuvre d'un corps de règles pour bâtir les villes sont bien antérieures à leur première formulation théorique par L.B. Alberti dans L'art de bâtir(1485) qui inaugura une lignée de traités de ce type. Le régime urbain régulé, partiellement ou totalement, est repérable et analysable dans le monde occidental au sens large depuis l'Antiquité.
Dès lors cette notion de composition urbaine a une valeur heuristique : elle permet d'aborder la question des régularités urbaines et des modes de gestion de la planification bien avant que ne soient codifiés explicitement des principes d'urbanisme. En analysant de manière plus pragmatique les espaces urbains contemporains ou anciens, en évaluant la contribution de l'ancien au contemporain, on identifie les phases, étapes et modalités diverses de la « fabrique » de la ville, composition(s) en devenir.
Aborder la fabrique de la ville en termes de composition urbaine est une manière de rendre compte des évolutions récentes de l'histoire des villes dans la longue durée, plus attentive désormais aux stratégies des acteurs qui, en situation, trament le sens des lieux. C'est en composant, par des transactions, avec ces modes divers, -et parfois concurrents ou conflictuels-, d'appropriations sociales de l'espace urbain que les pouvoirs urbains depuis les communes du xiie siècle jusqu'aux municipalités du xxe siècle impriment leurs marques sur la ville. Autrement dit, celle-ci apparaît moins désormais comme un lieu décidé que comme un lieu négocié.